Focus sur la start-up Daan.Tech

Damian Py
Damian Py
L’entreprise française Daan.Tech conçoit, fabrique et commercialise un mini lave-vaisselle autonome et éco-responsable. Créée en 2016, elle est dirigée par Damian Py, diplômé de l’ENS Paris-Saclay. Interview de ce chef d’entreprise engagé.

Daan Tech

Interview avec Damian Py

Vous êtes diplômé du Master Mathematics, Vision and Learning (MVA) de l’ENS Paris-Saclay. Comment passe-t-on des mathématiques à la fabrication de produits électroniques grand public ?

C’est vrai il n’y a pas forcément le lien entre l’intelligence artificielle et la fabrication de lave-vaisselle. J’ai adoré ma scolarité à l’ENS Paris-Saclay. J’ai travaillé avec Jean-Michel Morel sur un projet de détection des images falsifiées. On utilisait les artefacts de compressions jpeg pour détecter si les images avaient été falsifiées et à quel endroit l’image était modifiée. C’était très intéressant et les mathématiques et l’informatique, ça mène à tout, même si, il y a cinq ans je n’aurais jamais imaginé vendre ce type de produits.

J’ai créé ma société avant de terminer mes études. En stage chez BPI France, je travaillais sur les objets connectés, et j’ai rencontré mon actuel associé qui avait des compétences en marketing. Il avait cette idée de petit lave-vaisselle autonome, sans arrivée d’eau courante. De mon côté, j’avais à cœur de faire du « made in France » et de relever des challenges à la fois environnementaux, économiques et sociaux. C’est comme ça qu’en 2016 est née Daan Tech.

Présentez-nous le premier produit commercialisé par Daan Tech, le lave-vaisselle Bob.

Il s’agit d’un petit lave-vaisselle pour 1 à 2 personnes, de 34 cm de large, autonome, que l’on remplit comme une cafetière avec 3 litres d’eau. Un cycle permet de laver 6 assiettes, 4 verres, 2 tasses, 2 bols et des couverts. Avec ses 10 kilos, il est facilement transportable, se branche sur une prise électrique, se pose sur l’égouttoir sans nécessiter de branchement pour l’évacuation. Le système d’ouverture automatique magnétique de la porte permet un séchage naturel.


Avec tout ce que l’on sait aujourd’hui concernant la pénurie d’eau, actuelle et à venir, n’est-ce pas un peu audacieux de lancer un lave-vaisselle ?

Bob ne consomme que 0,35 kWh et n’utilise que 3,8 litres d’eau maximum par cycle, soit 5 fois moins qu’un lavage à la main. En Occident, l’eau ne coûte pas très cher donc l’impact économique pour un ménage n’est pas très important. Les TPE/PME achètent Bob pour laver les tasses au bureau et supprimer les gobelets à usage unique. Bob a vrai intérêt pour les économies d’eau, mais dans les pays du Golfe par exemple où il y a alors un vrai intérêt économique, car l’eau coûte très cher, environ 650 euros par mois par ménage qui vit à l’occidentale. Pour eux, Bob a deux atouts : il est instagrammable et il permet de faire des économies..

Comment votre slogan « Jetez l’éponge, adoptez Bob » a-t-il émergé ?

Au début, mon associé l’avait appelé Rudy. Mais l’idée d’utiliser le personnage sympathique de Bob l’éponge correspondait beaucoup plus au produit et était connu de tous, en France et en dehors.

Quatre ans après la création de Daan Technologies, où en êtes-vous ?

Nous avons commencé à deux dans une cave à Paris, et nous sommes aujourd’hui une équipe de plus de 30 personnes dans un vrai site de production situé en Vendée avec un bureau à Paris.

90% de notre chiffre d’affaires est français, avec 1500 ventes par mois environ et une très forte croissance des ventes en Allemagne. 10% de notre chiffre d’affaires est européen, essentiellement au Royaume-Uni, au Benelux, en Suisse et en Allemagne. Enfin, nous visons une commercialisation au Japon à partir de l'été 2021. On pense que ce produit peut marcher dans ce pays parce que les japonais vivent dans de petits appartements.*

Comment votre entreprise absorbe-t-elle le choc de la pandémie actuelle ?

L’impact majeur pour l’entreprise c’est le problème d’approvisionnement et la logistique. Quand on n’a plus de pièces pour produire, on arrête la chaine d’assemblage. Cela se ressent moins sur les ventes ; les précommandes lancées en 2018 ont bien marché, puisqu’on a eu 10 000 précommandes au 31 décembre dernier, et pendant le confinement, on n’a pas eu de vrai ralentissement des ventes, et à l’inverse pas d’explosion non plus.

 

D’autres produits sont-ils à l’étude ?

On réfléchit à une gamme de produits, mais la priorité c’est le développement des ventes et l’exportation de Bob.

Nos derniers travaux de R&D se concentrent sur le fait de développer une électronique universelle à la fois en 110 et 220 volts, 50 et 60 Hertz, ce qui n’est pas très innovant en soit, sauf que je voulais que l’on ait un seul produit compatible avec tous les réseaux électriques dans le monde. Nous sommes les seuls sur le marché à avoir développé un lave-vaisselle universel de ce type.

Auriez-vous un conseil pour un normalien qui souhaiterait se lancer dans la création d’entreprise ?

Il ne faut pas hésiter, même si c’est difficile et en termes de pression. Le rythme de travail très poussé des normaliens est le même que celui d’un entrepreneur.

Notre mindset innovateur est tout à fait adapté à la création d’entreprises innovantes. Nous savons trouver des solutions innovantes aux problèmes techniques. Si je suis à l’origine de la plupart des innovations de Bob, et même si c’était dans un domaine scientifique différent, c’est parce que j’avais développé, au cours de mes études très orientées recherche, cette capacité à plonger dans une masse vertigineuse de documents pour résoudre un problème technique. Cette capacité à apprendre est capitale, plus que la connaissance à un moment précis, c’est ce que je privilégie pour recruter d’ailleurs. C’est une compétence stratégique et transposable à tous les domaines. Pour l’ouverture magnétique par exemple, ce sont mes cours d’électrotechnique, sur le calcul du flux magnétique et les équations de Maxwell, qui m’ont servi pour imaginer d’un point de vue théorique la solution que l’on a utilisée ensuite.