Gaëtan Douéneau (informatique)
Gaëtan Douéneau a intégré le département d'enseignement et de recherche (DER) Informatique à l’ENS Cachan (ancien nom de l'ENS Paris-Saclay) en 2015.
«J’y ai construit une formation entre mathématiques et informatique, dans la continuité du parcours maths-info proposé en 1ère année. J’ai notamment passé l’agrégation de mathématiques option informatique (qui a maintenant disparu puisqu’une agrégation propre à l’informatique a été créée). En dernière année, j’ai suivi le Master parisien de recherche en informatique (MPRI) ; c'est est le master français le plus connu dans les domaines de l'informatique fondamentale et de cryptographie.»
En parallèle de sa dernière année, il a réalisé un stage à temps partiel à l’Assemblée Nationale. «Comme j’étais curieux du fonctionnement de l’administration publique et du monde politique, j'ai travaillé au profit de Cédric Villani afin de préparer des rapports et des auditions sur les sujets numériques (intelligence artificielle, quantique, cryptographie, etc..»
« Apprendre à apprendre » à l'ENS Paris-Saclay
« L’ENS Paris-Saclay apporte une solide formation scientifique et technique, avec une relative liberté dans la construction de notre parcours, et des stages variés qui nous mettent principalement au contact du monde académique. C’est donc un excellent "pied à l’étrier" pour commencer une carrière dans l’enseignement ou dans la recherche.
Mais si je devais retenir un seul point de ma formation, je dirais que j’ai « appris à apprendre ». L’important n’est pas tant d’avoir acquis des compétences techniques très pointues dans certains domaines spécifiques, mais d’être capable de transposer dans n’importe quel contexte cette capacité à apprendre vite. Je suis convaincu qu’un normalien, devant n’importe quelle situation technique ou scientifique complexe, même si elle n’est pas en lien avec sa formation initiale, saura monter en compétence rapidement et se forger un avis technique pertinent et objectif. Cela suppose à la fois une bonne méthodologie et une certaine humilité vis-à-vis des sujets qu’on ne maîtrise pas à un instant donné.
À mon sens, les normaliens ont donc pleinement leur place au sein des grands corps techniques, et plus largement au sein des administrations publiques. Et réciproquement, l’Etat a largement besoin d’eux, en complément d’ingénieurs dont la formation est différente, pour relever les défis techniques et sociétaux de demain. Ces carrières (et pas uniquement dans les grands corps) sont de plus en plus visibles lors d’événements organisés par l’école, mais gagneraient encore à être mises davantage en valeur auprès de l’ensemble des élèves.
Une thèse sur les programmes informatiques appelés "transducteurs finis"
À l’issue de sa scolarité à l’ENS Paris-Saclay, il a intégré le corps des Ingénieurs de l’Armement via le concours externe. C’est l’un des 4 grands corps techniques de la fonction publique, avec les ingénieurs des mines, les ingénieurs des ponts et les administrateurs de l’INSEE, mais le seul à avoir un statut militaire.
En tant qu’Ingénieur de l'Armement, il a réalisé sa thèse, à temps partiel pendant 3 ans, en parallèle d’un poste à la Direction Générale de l’Armement (DGA) du Ministère des armées. «J’avais donc deux bureaux dans Paris et une répartition un peu spéciale de mes semaines : 2 jours de recherche dans mon laboratoire, sur des sujets d’informatique fondamentale, et 3 jours à la DGA, pour des activités de gestion de projet en cybersécurité, sans lien direct avec mes travaux de thèse.»
Il réalise sa thèse à l’Institut de recherche en informatique fondamentale (IRIF) de l’Université Paris Cité, sous la direction d’Olivier Carton et d’Emmanuel Filiot. «Pour l’anecdote, lorsque j’ai commencé ma thèse, j’ai réalisé qu'Emmanuel était le neveu de mon professeur de musique au collège, et que le premier livre d’informatique que j'avais acheté de toute ma scolarité était celui d’Olivier… coïncidence amusante.»
Dans mes travaux de recherche, je me suis intéressé à des certains programmes informatiques particuliers, qui sont appelés "transducteurs finis". Ces programmes ont la particularité d’avoir un espace mémoire très limité pour effectuer leurs calculs. Ils sont utilisés dans de nombreux domaines où la mémoire est une ressource rare, comme le traitement temps-réel de données ou les systèmes embarqués (automates industriels, satellites, etc.). Dans ce contexte, il peut être crucial de minimiser les ressources consommées (mémoire ou temps d’exécution) par un programme. « Mes résultats développent donc des méthodes pour les optimiser : étant donné un programme, on veut construire automatiquement le programme le plus efficace possible (par exemple, celui qui s’exécute le plus rapidement) qui réalise la même tâche. Pour ce faire, je construis une véritable boîte à outils de techniques d’optimisation, en démontrant du même coup des résultats théoriques liés à l'algèbre et à la logique mathématique. »
Lauréat du prix Ackermann 2024
Il obtient en 2024 le prix Ackermann accordé par l'European Association for Computer Science Logic qui récompense une thèse exceptionnelle soutenue pendant l'année sur un sujet de logique pour l'informatique.
« Je suis très heureux de recevoir le prix de thèse Ackermann. « Je considère cette récompense comme un gage de qualité sur mes travaux de recherche, mais surtout comme quelque chose à partager avec mes deux directeurs de thèse, sans qui rien n’aurai été possible. Ils ont toujours été disponibles pour moi, et m’ont donné de précieux conseils et idées, à la fois lorsque tout allait bien, mais aussi lors des moments plus difficiles. Je pense aussi aux personnes avec qui j’ai pu échanger et faire de la recherche, dont (encore une coïncidence) mon co-lauréat Aliaume Lopez, que je connais très bien et avec qui c’est toujours un plaisir de travailler. »
À l’issue de sa thèse, j’ai changé de poste au sein de la Direction générale de l'armement (DGA) comme responsable de l’équipe technique en charge des futurs projets de surveillance de l’espace et de suivi des opérations spatiales militaires.
« Mon choix actuel de travailler dans un grand corps technique plutôt que dans le monde académique a mûri au cours des mes années de scolarité. La dimension militaire du corps de l’armement, qui est assez différente de la dimension militaire présente dans les armées (nous travaillons peu souvent en uniforme, par exemple), constituait pour moi la continuité logique d’un engagement au service de l’État, commencé en devenant fonctionnaire-stagiaire à l’ENS Paris-Saclay.»
Un normalien engagé au service de l'État
« Le doctorat est une formation (et une expérience professionnelle) "par la recherche ", mais pas nécessairement "pour la recherche", qui permet d’acquérir de nombreuses compétences génériques dont l’État a absolument besoin.
J’ai d’ailleurs co-rédigé avec Aliaume un rapport sur le recrutement et l’emploi des docteurs dans les administrations publiques. Nous avons pu présenter ce travail en 2021 au Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques, et nos éléments ont été ré-utilisés par la suite dans plusieurs travaux du Ministère chargé de l’enseignement supérieur. L’une des mesures que nous avions préconisées a été mise en œuvre récemment : il s’agissait de la création des thèses COFRA (globalement un équivalent des thèses CIFRE, mais avec une administration de l’État au lieu d’une entreprise).»