Une nouvelle Cometh dans l’univers des jeux vidéo
Adolescent, Jérôme rêvait de devenir joueur professionnel. « Mais au début des années 2000 seule une petite centaine de joueurs dans le monde entier pouvait revendiquer d’en vivre », se souvient-il. Il met donc sa passion sur pause, le temps de faire ses études, en classe prépa scientifique puis à l’ENS Paris-Saclay en Économie et Gestion tout en conservant de cette période « une curiosité d'ingénieur », acquise grâce au matériel informatique gagné lors des tournois.
L’étudiant se trouve bientôt une seconde passion pour une technologie, alors émergente, qui lie économie et informatique. « Présentés comme des innovations dans le domaine de la monnaie, j’entends parler pour la première fois, en 2013, de bitcoin et de blockchain, lors d’une conférence de recherche sur la théorie monétaire à l’ENS. » Très peu connu du grand public à l’époque, le bitcoin, une cryptomonnaie, était même pointé dans les médias français comme l’unité d’échange préférée des terroristes et des trafiquants de drogue sur Internet. « Mais lorsque je découvre que le bitcoin pouvait se piloter en direct dans la blockchain, je me suis dit, waouh, c'est incroyable ! Même s’il s’agit d’une petite économie, on peut suivre tout ce qui s’y passe, contrairement à la monnaie qu'on manipule au jour le jour, celle qui vit dans nos poches, sur notre compte en banque ou dans notre téléphone. »
La cryptographie n’étant pas au programme de sa formation, le jeune normalien décide de « creuser » par lui-même, acquérant ses nouvelles connaissances comme un « hobby », en suivant les cours d’un MOOC de l’Université de Stanford, d’abord en parallèle de ses charges d'enseignement dans divers établissements (aujourd'hui, il est toujours professeur associé en économie au Cnam) puis en marge de ses premières missions (au ministère de l’économie, puis dans l’entreprise Rexecode). « Les normaliens, quelle que soit leur discipline, partagent globalement un socle homogène de connaissances initiales en termes de qualité et d'exigence. Si, au cours d'une soirée étudiante, quelqu'un me parle de sa recherche en mécanique des fluides, je ne vais pas tout comprendre, mais je me sens capable d’approfondir ensuite. A l’ENS, déclare Jérôme de Tychey de la Ferté Préval, il n’y a ni tabou, ni autocensure. On apprend à apprendre vite. »
Jérôme devient donc expert de la technologie de la blockchain open source Ethereum*, qu’il contribue à faire évoluer puisqu’il devient en 2016 le président d’Ethereum France. « De ce point de vue d’ailleurs, mon « étiquette ENS » m’a permis d'être crédible auprès de mes interlocuteurs dès le début de ma carrière », affirme-t-il. Une carrière qui démarre véritablement dans le secteur de la blockchain en 2016, au moment où l'écosystème commence à s'industrialiser en France. « Des cabinets de conseil s’y sont intéressés, dont EY qui m’a recruté pour monter une équipe sur le sujet ». L’année suivante, il est embauché par Consensys, une entreprise américaine, pour bâtir et diriger l’équipe (jusqu’à une centaine de personnes) de son bureau à Paris. Trois ans plus tard, en 2020, Jérôme de Tychey rejoint Ledger (800 personnes), une licorne française leader mondiale de la fabrication de portefeuilles sécurisés de stockage de cryptomonnaies pour piloter le tour de financement de cette et participer au développement d’Ethereum.
L’apparition de Cometh
Pour tromper l’ennui des nombreux trajets aériens effectués lors de ces différents postes, Jérôme de Tychey se remet à jouer aux jeux vidéo. Au même moment, la petite musique de l’entreprenariat se fait entendre par la voix de son épouse, qui le pousse finalement à associer son expertise au jeu vidéo pour devenir son propre chef. Jérôme revend ses parts de Ledger et crée en décembre 2020, COMETH**, une société de développement de jeux vidéo basée sur la blockchain Ethereum : soit elle fournit la technologie aux acteurs du jeu vidéo, soit elle développe elle-même ses propres jeux. « Nous assistons actuellement à la quatrième révolution technologique du jeu vidéo depuis les années 80, après la mise en réseau de joueurs, l’apparition de la 3D et les applications mobiles, explique-t-il. Grâce au bitcoin, les joueurs sont propriétaires des objets numériques acquis en jouant. Il s’agit d’un nouveau paradigme de propriété, une nouvelle façon de posséder numériquement : pour moi, c’est la principale innovation que porte la blockchain. Elle fait du « gaming » un de ses domaines d'application avec un potentiel immense ».
Avec pour principal client la Française des Jeux, Jérôme emploie aujourd’hui 35 personnes. Cometh a levé 10 millions de dollars en 2022 pour développer ses jeux et devenir le fournisseur numéro 1 de technologie blockchain pour tous les plus grands noms de jeux vidéo dans les années à venir, à l’instar des grands noms de la 3D du secteur. Aujourd’hui, il recherche activement des collaborateurs. Normaliens ? « Oui, bien sûr ! Leurs qualités sont exceptionnelles. A l’ENS, on sait ce que cela implique de s'approprier un sujet et de se mettre à niveau par rapport à l'état de la recherche. Cette proximité et cette ouverture d’esprit vont de pair pour innover et anticiper sur un marché en pleine (r)évolution », conclut-il.
Cometh
La startup a été créée en 2020 par Jérôme de Tychey de la Ferté-Préval (promotion 2008). Cometh est un studio de développement de jeux vidéo et de logiciels innovants pour cette industrie. Cometh est aussi un jeu de stratégie et d'exploration où les joueurs gagnent des jetons précieux, des objets d'artisanat. Elle s'appuie sur l'écosystème de la finance décentralisée pour créer un espace extra-atmosphérique persistant et durable. La startup est spécialisée dans les applications et l’intégration de la blockchain Ethereum dont toutes les fonctionnalités essentielles jouent un rôle et qui exploite également des solutions de mise à l'échelle pour gérer des millions d'utilisateurs.
Ethereum
Ethereum est une plateforme de blockchain open-source qui permet de créer des applications décentralisées et des contrats intelligents. Les contrats intelligents sont des programmes informatiques autonomes qui s'exécutent automatiquement lorsque certaines conditions sont remplies. Ethereum utilise sa propre cryptomonnaie, appelée « Ether » (ETH), pour payer les frais de transaction et de contrat sur la plateforme. Cette blockchain permet aux développeurs de créer des contrats intelligents (smart contacts) grâce à une variante de la langue de programmation Solidity.
*Les contrats intelligents sont des programmes informatiques autonomes qui s'exécutent automatiquement lorsque certaines conditions sont remplies. Ethereum utilise sa propre cryptomonnaie, appelée « Ether » (ETH).
** Ce nom renvoie à la fois au verbe to come en vieil anglais, à la crypto monnaie ETH (Ether) d’Etherum, et enfin, à une comète en référence aux batailles spatiales du premier jeu vidéo créé par la startup.