Contact
baptiste.heiles [at] gmail.com (Baptiste Heiles)

Une avancée majeure dans l'imagerie biomédicale par ultrasons avec Baptiste Heiles

Crédits photo : N. Burgess /Science
Crédits photo : N. Burgess /Science
Baptiste Heiles est un ancien du département d'enseignement et de recherche de Génie civil et environnement (DER GCE). Il vient de publier un article dans Sciences avec le laboratoire de David Maresca (Maresca Lab) à la Technische Universiteit Delft (Pays-Bas), en collaboration avec le laboratoire de Mikhail Shapiro (Shapiro Lab) à Caltech, Pasadena, CA, aux États-Unis où il occupe actuellement un poste de post-doctorant.
Il nous partage cette avancée scientifique en matière d'imagerie biomédicale par ultrasons.

Contexte

La visualisation en profondeur des tissus vivants est un défi permanent. Baptiste Heiles et al. ont mis au point une méthode permettant de générer des images ultrasonores 3D de l'expression génétique et 2D des vaisseaux capillaires dans le cerveau.
L'idée fondamentale de cette méthode, appelée microscopie non linéaire à feuillets ultrasonores, est simple. Les biomolécules exprimées dans les cellules ou les microbulles circulant dans les vaisseaux sanguins sont excitées le long de fines feuilles d'ultrasons qui sont balayées à travers l'échantillon. Cette méthode permet une imagerie rapide, profonde et volumétrique d'organes vivants opaques marqués par des rapporteurs échogènes. La coupe ultrasonore, qui permet de résoudre les structures dans le plan z, a été obtenue en modulant la pression acoustique le long de faisceaux non diffractifs afin de confiner les échos non linéaires des biomolécules ou des microbulles dans un plan."

Baptiste Heiles

Baptiste Heiles a été forme en Génie Civil à l'ENS Cachan (ancien nom de l'ENS Paris-Saclay) et un master de spécialisation en transfert thermique à Centrale Supelec. Il a fait sa thèse au sein du laboratoire "Physique des ondes pour la médecine" (PhysMed, Paris) à l'ESPCI et du laboratoire d'Imagerie biomédicale de Sorbonne Université sous la direction de Mickael Tanter et Olivier Couture.
Il a ensuite rejoint David Maresca qui créait son laboratoire à l'Université de Delft (TU Delft, Pays-Bas) et il est resté 4 ans grâce au financement Marie Sklodowska-Curie attribue par l'Europe pour les post-doctorants. 

Il occupe actuellement un poste de post-doctorant à Caltech (Caltech, Pasadena, CA, USA) au sein du laboratoire de Mikhail Shapiro.

Quels sont vos axes de recherche ?

Ma recherche se focalise sur l'imagerie biomédicale par ultrasons, avec une forte composante sur l'utilisation d'agents de contraste synthétiques ou encodés génétiquement pour la visualisation de la vascularisation capillaire et de l'expression génétique de cellules.
Les agents synthétiques sont constitués de microbulles de gaz entourées dune enveloppe lipidique qui oscille sous l'effet d'un champ acoustique et produit une réponse visible bien plus grande que sa taille réelle. Lorsque nous les injectons dans le système vasculaire,  nous pouvons utiliser cette propriété afin de rompre la limite de diffraction imposée par la physique et augmenter la résolution de notre imagerie par un facteur 10. Grâce à cela, nous avons réalisé la première image 3D de la vascularisation cérébrale du rat a l'échelle micrométrique durant ma thèse.

Dans ce nouvel article, nous allons plus loin encore en imageant les capillaires, un compartiment vasculaire jusqu'alors impossible à imager in vivo dans l'ensemble du cerveau. Une remarquable avancée de ces dernières années dans la biologie synthétique est la découverte d'un analogue à la GFP (green fluorescent protein) pour les ultrasons.
Cet analogue prend la forme de petites vésicules de gaz, habituellement utilisées par des algues pour flotter dans les lacs et réguler la photosynthèse. En transposant le code génétique responsable de la fabrication de ces véhicules de gaz dans des cellules cancéreuses ou dans des bactéries de type E. coli, nous obtenons alors un marqueur ultrasonore de l'activité cellulaire. Nous pouvons alors imager en 3D des tumeurs grâce aux ultrasons (ce qui est fait dans l'article) mais aussi imager l'activité physiologique en modifiant la réponse de ces vésicules de gaz en fonction de leur environnement.

Un autre axe fondamental de ma recherche est l'utilisation des ultrasons pour détecter l'activité neuronale en réponse a des stimuli extérieurs en préclinique et en clinique.

En quoi consiste votre travail sur l’acoustique en imagerie médicale ?

En imagerie par ultrasons, nous travaillons énormément sur la physique des ondes et la génération de champs acoustiques avec des propriétés innovantes pour améliorer la qualité d'image ou pour avoir accès a de nouvelles constantes physiologiques.
Je travaille principalement sur l'imagerie 3D et donc je dois également développer de nouvelles méthodes de traitement d'image adaptées à la 3D et aux gros volumes de données que je génère.
Enfin je passe aussi beaucoup de temps à développer de nouveaux modèles animaux et des approches d'expérimentation animale innovantes pour appliquer nos méthodes in vivo.

En quoi cette publication est une avancée majeure dans l’imagerie ? Quelles pourraient être les applications médicales/biologie ?

Cette publication représente un avancée majeure dans l'imagerie car elle ouvre le champ des possibles dans l'imagerie non invasive de la fonction vasculaire et cellulaire.
Les capillaires cérébraux sont soupçonnés d'être à l'origine de nombre de maladies neurodégénératives comme Alzheimer, et régule la perfusion du cerveau ce qui peut affecter l'intégrité de la barrière hémato-encephalique.
Pouvoir voir ces capillaires in vivo dans des plans d'imagerie couvrant l'ensemble du cerveau était jusqu'à présent impossible.

L'imagerie de la fonction cellulaire par ultrasons quant à elle est extrêmement importante pour comprendre un certain nombre de mécanismes cellulaires in vivo. En ce qui concerne cette publication, l'imagerie 3D par feuillets ultrasonores nous a permis de quantifier plus précisément la progression de la tumeur grâce a la production endogène des vésicules de gaz par les cellules. En 2D, le tissu bouge énormément ce qui rend difficile ce genre de quantification et restreint les applications précliniques.

Enfin, cette nouvelle méthode d'imagerie de la fonction cellulaire va nous permettre de mieux comprendre celle-ci en pouvant l'étudier directement in vivo, ce qui est crucial pour la translation clinique.

Crédits photo : N. Burgess /Science