Prix Nobel d’économie 2025, Philippe Aghion, un alumni de l’ENS Paris-Saclay

Prix Nobel d’économie 2025, Philippe Aghion - © Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach
Philippe Aghion © Ill. Niklas Elmehed © Nobel Prize Outreach
Philippe Aghion, alumni du département de mathématique à l’ENS Cachan (ancien nom de l’ENS Paris-Saclay), a reçu le prix Nobel d’économie 2025, aux côtés de Joel Mokyr (Northwestern University) et de Peter Howitt (Brown University).
Spécialiste de la croissance et de l’innovation, Philippe Aghion a, avec Peter Howitt, formalisé le concept de destruction créatrice théorisé par Joseph Schumpeter, offrant ainsi un cadre rigoureux pour comprendre le rôle de l’innovation dans la dynamique économique de long terme.
Toutes nos félicitations !

Ses travaux de recherche

Philippe Aghion a profondément renouvelé la compréhension de la croissance en développant, avec Peter Howitt, la théorie schumpétérienne fondée sur la destruction créatrice. L’innovation y remplace continuellement les technologies obsolètes et alimente la dynamique de long terme. (Réf. : Aghion et Howitt, 1992, Econometrica)

D’autres de ses travaux montrent que la concurrence peut stimuler l’innovation et que les institutions jouent un rôle décisif pour transformer la créativité individuelle en progrès collectif. (Réf. : Aghion et al., QJE, 2005)

Il a également analysé comment l’innovation peut à la fois creuser les inégalités et favoriser la mobilité sociale, selon les politiques éducatives, fiscales et industrielles qui accompagnent le changement technologique. (Réf. : Philippe Aghion, Alexandra Roulet, Repenser l’État, 2011, le Seuil)

Ses recherches sur le rôle de l’État soulignent la nécessité d’un cadre public capable d’encourager la recherche et la concurrence tout en limitant les effets d’exclusion.

Enfin, ses travaux récents sur l’intelligence artificielle examinent comment cette révolution technologique peut accroître la productivité et soutenir l’emploi, sous réserve que les institutions adaptent la formation et la réallocation du travail aux nouvelles technologies.

À travers ce parcours d’exception, c’est aussi l’exigence scientifique, l’ouverture disciplinaire et l’ambition intellectuelle de l’ENS Paris-Saclay et de l'écosystème de l'Université Paris-Saclay qui se voient reconnues.

La croissance et l’innovation

Philippe Aghion explique la puissance actuelle de l’économie américaine par la capacité des nord-américains à être très innovants notamment dans les secteurs high-tech : numérique, intelligence artificielle (IA) et biotechnologies.
« Le facteur-clé, c’est le leadership technologique. Cela leur permet de contrôler les chaînes de valeur, d’affirmer leur force commerciale, et d’assurer la suprématie du dollar en attirant l’épargne étrangère pour financer leur dette. »

Selon Philippe Aghion, la France n’a pas su tirer profit des révolutions des Technologies de l’information et de la communication (TIC) et des biotechnologies en innovant.
Les Produit intérieur brut (PIB) par tête de la France et de l’Union Européenne déclinent par rapport aux États-Unis et à la Chine malgré de nombreux atouts dont la qualité de nos chercheur·ses et ingénieur·es et le rôle pilier qu’elle a pu jouer dans les débuts de l’Intelligence Artificielle (IA).
L’Union européenne a « raté le coche » à cause de « trop nombreuses réglementations dans les États membres sur le marché des biens et services, un écosystème inadéquat – capital-risque, fonds de pension, titrisation – pour financer la création et la croissance de nouvelles entreprises innovantes, et des politiques publiques d’aide à l’innovation mal ciblées et peu évaluées. »

Élargir le marché pour les nouveaux produits innovants

Ses travaux ont profondément renouvelé la théorie de la croissance en démontrant le rôle central du processus de destruction créatrice, où le progrès technique remplace les anciennes technologies, générant à la fois progrès et défis économiques.
« Pour devenir une vraie puissance économique, l’Europe doit élargir le marché pour les nouveaux produits innovants et elle doit se doter d’un écosystème financier qui attire l’épargne vers l’innovation. »  Et cette épargne doit être mieux orienté vers le risque et favorisé l’innovation de rupture ou le développement à grande échelle d’activités high-tech.

Il préconise des projets qui passeraient par la création d’ARPA (Advanced Research Projects Agency) dans la santé, la transition énergétique ou l’IA.
« L’ARPA est une façon de faire de la politique industrielle qui favorise la concurrence. Le gouvernement identifie des secteurs – défense, santé, énergie – dans lesquels des acteurs et des moyens doivent être actifs et coordonnés pour atteindre un objectif stratégique. Des fonds publics sont alors alloués à des chefs d’équipe émanant de la recherche ou de l’industrie. Ces chefs d’équipe ont ensuite toute latitude pour attirer des entreprises ou laboratoires concurrents pour remplir la mission. Par exemple, aux États-Unis, c’est la concurrence de plusieurs laboratoires, encouragée par les fonds fédéraux mobilisés à travers la Barda (l’ARPA pour les biotechnologies), qui a permis de produire à grande échelle les vaccins ARN messagers contre le Covid. »

S'appuyer sur la recherche et des laboratoires d'excellence

Il ajoute la nécessité de « développer la création de laboratoires d’excellence (labex), dont l’impact sur l’innovation de rupture a été démontré. »

Investir dans l’éducation, une priorité

Philippe Aghion souligne l’importance de l’éducation. Il rappelle que l’innovation ne peut se penser sans une politique éducative ambitieuse. Cette vision rejoint les valeurs portées par l’ENS Paris-Saclay : former des esprits rigoureux, engagés et pluridisciplinaires.
« En investissant dans l’éducation, on produira plus d’innovateurs et notre société deviendra plus inclusive. La France doit d’abord investir dans le système éducatif. Il y a de nombreux Albert Einstein et Marie Curie perdus, c’est-à-dire des enfants doués mais qui n’ont pas été exposés aux savoirs pour devenir des innovateurs. Un bon système éducatif est le pilier de toute politique d’innovation sérieuse. Cela passe par des professeurs bien formés et bien payés, par les devoirs faits à l’école, et par un suivi individuel des élèves. »

Son parcours

Philippe Aghion, est un ancien élève du département d’enseignement de Mathématiques (promotion 1976-1980) à l'ENS Cachan (ancien nom de l’ENS Paris-Saclay). Il poursuit ensuite ses études à Paris 1, puis à Harvard, où il obtient un doctorat en économie. Dès l'obtention de son doctorat, il est recruté comme professeur assistant au MIT (1987-1989).

Il mène une brillante carrière académique : professeur au MIT, à Harvard, à University College London, et aujourd’hui titulaire de la chaire « Économie des institutions, de l’innovation et de la croissance » au Collège de France, ainsi que Centennial Professor à la London School of Economics.

Prix et distinctions

  • 2025 : prix Nobel d'économie 2025 avec Joel Mokyr et Peter Howitt.
  • 2020: prix Frontiers of Knowledge Award avec Peter Howitt pour leur “théorie schumpétérienne de la croissance”.