Frédéric Magniez
Crédit : Collège de France

Frédéric Magniez

Promotion 1992/1997

Mathématicien et informaticien – Directeur de recherche au CNRS - Directeur de l’IRIF

Parcours

Ancien normalien élève au sein du département de mathématiques de l’ENS Paris-Saclay (anciennement ENS Cachan), Frédéric Magniez est agrégé de mathématiques et docteur en informatique. Il est entré au CNRS en 2000, au Laboratoire de Recherche en Informatique (LRI) et habilité en 2008. Il rejoint en 2013 l’Institut de Recherche en Informatique Fondamentale (IRIF), et y dirige l’équipe Algorithmes et complexités. Il a également été chercheur et professeur associé à Polytechnique de 2003 à 2015.  En 2015, il devient directeur adjoint de la Fondation Sciences Mathématiques de Paris, puis prend la direction de l’IRIF en 2018. Il est titulaire de la chaire Informatique et sciences numériques au Collège de France pour 2020-2021.

Recherche

Il travaille sur la conception et l’analyse d’algorithmes probabilistes pour le traitement des grandes masses de données, ainsi que sur le développement de l’informatique quantique et plus particulièrement des algorithmes, de la cryptologie et ses interactions avec la physique.

 

En quoi consistent vos activités de chercheur / directeur de l’IRIF / professeur au Collège de France ?

Je suis avant tout chercheur au CNRS, et plus exactement Directeur de Recherche. Mes recherches portent sur la conception de nouveaux algorithmes, qu'ils soient destinés à nos machines actuelles mais pour de nouveaux défis, ou bien pour de futures machines telles que les ordinateurs quantiques.

Le métier de chercheur s'accompagne de beaucoup d'autres activités.
L'une d'elles est le management de la recherche. A ce titre je dirige l'Institut de Recherche en Informatique Fondamentale. Je veille à piloter au mieux ce laboratoire, un fleuron de la recherche française dédiée à tout ce qui est en amont de notre informatique de tous les jours. Il s'agit donc d'innovation théorique qui pourra engendrer plus tard une innovation technologique.
Une autre de mes activités est bien entendu la diffusion des connaissances. A ce titre, j'enseigne cette année au Collège de France dans le cadre d'une chaire annuelle, donc hélas seulement pour un an. Cette chaire m'a été confiée afin que j'y enseigne les algorithmes quantiques, c'est-à-dire une nouvelle façon de penser l'informatique sur une technologie qui est en train d'émerger.
 

Quels sont vos sujets de prédilection en tant que mathématicien et informaticien ?

J'aime avant tout identifier et comprendre ce qu'on appelle des goulots d'étranglements algorithmiques. Il s'agit de comprendre ce qui est difficile pour un ordinateur dans un problème complexe. Souvent il ne s'agit que d'une tâche tout simple et a priori anodine. Comme par exemple comment compter le nombre de mots distincts dans l'œuvre de Zola avec seulement 10 doigts ?
Puis je m'y attelle, et je cherche à la rendre plus facile, peut être en la changeant un peu, c'est-à-dire avec d'autres règles du jeu. C'est ce que nous faisons avec les algorithmes quantiques. Nous avons changé de machine ! Je m'intéresse aussi aux algorithmes probabilistes qui calculent plus vite en tirant des nombres au hasard lorsqu'ils font face à beaucoup trop de possibilités à explorer, comme par exemple on le fait maintenant en intelligence artificielle.
Cette recherche est située entre l'informatique et les mathématiques. Si les motivations sont clairement informatiques, les outils développés et la façon de procéder est, quant à elle, mathématique.
 

Qu’est-ce qui vous a amené vers l’informatique quantique et les algorithmes ?

Le déclic s'est fait en deux temps. Le premier est lorsque mon maître de stage à l'ENS Paris-Saclay (anciennement ENS Cachan), Alain Finkel du département Informatique, m'a proposé un mémoire sur un article traitant de cryptographie quantique. Il a su me mettre en contact avec les bonnes personnes qui parlaient de leur recherche avec passion. J'étais surpris à l'époque comment les portes semblaient s'ouvrir si facilement. Avec le recul, je comprends mieux. En tant que chercheur, et parfois enseignant, je suis toujours flatté qu'un étudiant s'intéresse à mes travaux et enseignements.
A cette époque j'hésitais beaucoup entre informatique et mathématique. Les cours d'Alain Finkel m'ont d'abord convaincu que c'était l'informatique qui me plaisait car elle mélangeait ce que j'aimais des mathématiques avec ma passion de l'époque pour la programmation.
Concernant la thématique quantique, cela a été plus compliquée. J'ai en effet rencontré dans un deuxième temps mon futur directeur de thèse, Miklos Santha, en suivant un de ses cours. La beauté des concepts des algorithmiques probabilistes et quantiques qu'il enseignait me faisait très envie. Mais j'avais aussi envie de continuer avec Alain Finkel. Ces deux professeurs m'ont guidé et m'ont laissé "essayer" les deux pistes. C'est finalement le quantique qui m'a convaincu.

 

Vous avez un parcours très riche et diversifié, quelle est l’expérience dont vous êtes les plus fier ?

Je ne suis pas d'un tempérament à être fier. Je crois que la reconnaissance et la confiance que j'ai obtenu de ma communauté mais aussi de mes collègues dans la direction de mon laboratoire, ou encore dans la chaire que j'occupe au Collège de France, mais aussi d'autres actions d'animations et de responsabilités que j'ai pu avoir, sont les plus belles reconnaissances dont je suis, en un certain sens, très fier.

 

Lors de votre leçon inaugurale au Collège de France, vous avez évoqué votre scolarité à l’ENS Paris-Saclay, quels sont vos souvenirs de cette période ?

Je ne connaissais pas bien l'institution avant d'y entrer. J'y ai découvert des camarades de promotion qui me ressemblaient plus que je ne l'aurais imaginé. Nous avons formé un groupe très soudé dans lequel je me suis construit.

Je me souviens des aller-retour en RER de Cachan à Orsay, car à l'époque le campus était à Cachan, et le programme de cours à Orsay. Ironiquement les deux semblent s'être enfin trouvés aujourd'hui. Je me souviens aussi des cours suivis ensemble puis repris en groupe. Je me souviens aussi des soirées sur le campus où certains débattaient politique et d'autres de théories mathématiques fraichement apprises. On s'échangeait aussi nos khôlles qu'on était très fier de donner dans nos anciennes classes préparatoires.
Je me souviens aussi d'une facilité à pouvoir suivre la formation de son choix. J'ai pu m'inscrire dans deux licences, car à l'époque il n'y avait pas de licence mathématique-informatique.

 

Et quel serait votre meilleur souvenir ?

Bien entendu la Kfet avec la Kokarde, mais aussi mon expérience de candidature BDE.

 

Qu'est-ce que votre formation vous a apporté qui vous a été d'une grande utilité dans votre parcours ?

J'ai pu y acquérir une connaissance large de l'informatique par les cours que j'ai eu à l'ENS Paris-Saclay, ainsi que des mathématiques. Préparer l'agrégation de mathématique, puis l'obtenir, m'a permis de renforcer mes connaissances en mathématiques qui m'ont été très utiles par la suite. L'agrégation m'a aussi apporté une sécurité dans ma thèse qui en me débarrassant de l'angoisse d'obtenir un poste. Quel luxe ! J'aime même pu hésiter entre 2 thèses, et choisir celle pour laquelle a priori je n'aurais pas dû avoir de financement, mais que j'ai fini par obtenir.

 

Et maintenant, quels sont vos projets ?

J'ai toujours voulu garder une part importante de recherche dans mes activités, tout en l'équilibrant avec d'autres actions. Je souhaite m'investir un peu plus encore dans cette aventure extraordinaire qui se dessine autour des technologies quantiques, dont en particulier la possible construction d'un ordinateur totalement quantique. Je vais donc travailler au plus près des machines qui se construisent pour leur trouver des applications concrètes sur la base des algorithmes que j'ai construits jusque-là. Je souhaite aussi m'investir dans une autre tâche collective utile au plus grand nombre après la direction de l'IRIF.