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Les biens communs en perspectives

Le laboratoire IDHE.S (Institutions et Dynamiques Historiques de l’Économie et de la Société) propose une approche pluridisciplinaire novatrice des biens communs en sciences sociales. Dans un ouvrage publié sous la direction de Christian Bessy et Michel Margairaz, douze contributions d’auteurs questionnent la dynamique des institutions concernant la propriété, le travail et la valeur.

Interview

Christian Bessy, qu’appelez-vous "biens communs" ?

La définition de communs ou de biens communs peut varier suivant les disciplines, et même suivant les approches au sein d’une même discipline. C’est l’idée d’une action collective ou d’action en commun pour faire société ou communauté. Il existe une pluralité de biens communs, différentes façons de faire société. Citons par exemple la théorie d’Adam Smith selon laquelle la poursuite des intérêts individuels débouche sur un intérêt commun ou encore la philosophie politique du Marquis de Saint Simon basée sur la recherche de l’efficacité et de l’investissement, connu en France sous le modèle de l’ingénieur avec une recherche de gains de productivité, d’économie d’échelle…

Si l’État peut garantir le bien public, le bien commun industriel (déploiement d’infrastructures de réseaux ou de transports) ou encore le bon fonctionnement du marché, il existe d’autres formes d’autorités légitimes qui assurent aussi l’accès aux biens communs : des communautés professionnelles dans certains métiers pour le maintien d’un savoir-faire, l’entreprise, les populations locales, les communautés villageoises, les grandes familles liées de génération en génération par un capital commun (fortune, maintien d’un tissu industriel…), des communautés de patients, des associations… Le commun c’est aussi l’institution et nous nous y intéressons de près à l’IDHE.S.

Quelle est l'origine de cet ouvrage ?

Ce livre est né d’une série de séminaires analysés au cours de trois journées d’études au sein du laboratoire. C’était une façon de donner corps aux échanges, débats et contributions de douze chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants qui travaillent ou qui ont travaillé à l’IDHE.S, accompagné du travail éditorial de Michel Margairaz qui à l'époque dirigeait le laboratoire.

Nous avons cherché à renouveler la réflexion autour de l'action publique dans une configuration où l'Etat n'est pas le seul garant de la poursuite du bien commun, qu'il existe d'autres formes d'autorité légitime propre à des communautés, notamment lorsqu'il s'agit de gérer de façon collective des ressources rares, comme par exemple les ressources naturelles ou celles dont la production ou la conservation suppose des investissements importants (les connaissances technologiques, les éléments de patrimoine). Notre réflexion rejoint ici la notion de "communs" développée par Elinor Ostrom qui pose la question des systèmes de propriété, en particulier celle de la propriété collective, donc d'une voie intermédiaire entre la propriété publique et la propriété privée.

L’idée était de croiser différentes disciplines des sciences sociales avec l’économie, la sociologie souvent dans une perspective historique pour voir comment émergent les institutions, comment elles se transforment et se reconfigurent.
Cela a permis d'approfondir la question des "droits de propriété" et la façon dont ils sont définis et défendus en situation, suivant une approche pragmatique, c'est à dire en prenant en compte le sens que les acteurs accordent à leurs actions, leur visée éthique les amenant à dépasser leur intérêt particulier, motif de l'action qui est au centre du modèle économique standard, et à réfléchir à la notion de "bien".

Qu’est-ce que la dynamique des trois thématiques "Propriété, travail, valeur" a permis de mettre en perspective ?

Le principal apport de notre ouvrage et de l'approche interdisciplinaire que l'on y développe est d'avoir cherché à faire dialoguer des thématiques qui sont généralement abordées de façon séparée comme la propriété, le travail et la valeur ou encore les objets que les acteurs économiques considèrent comme source de valeur à l'instar de la monnaie ou d'autres formes de créance (comme la dette publique) qui peut être géré de la même façon qu’un commun, qu’une ressource naturelle ou intellectuelle.

Le bien commun, dans l’accès à ces ressources, pose aussi la question de la solidarité et conçu à différentes échelles, celle de la communauté d’appartenance. Dans quelle communauté s’engage-t-on pour investir dans la production, la conservation et la transmission d’une ressource ? ». Une chose est sûre, on ne peut pas s’engager dans plusieurs communautés car notre temps n’est pas extensible.
 

Les biens communs en perspectives
Propriété, travail, valeur (XVIIIe-XXIe siècles)

Sous la direction de Christian Bessy
et Michel Margairaz

 

Avec les contributions de Michela Barbot, Christian Bessy, Mathieu Coq, Anne Conchon, Antonella Corsani, Delphine Corteel, Claude Didry, Marc Loriol, Dominique Margairaz, Michel Margairaz, Jean-Luc Mastin, Maud Simonnet, Line Spielmann, Eric Szulman, Marta Torre-Schaub et Philippe Verheide.

Christian Bessy est économiste et directeur de recherche CNRS. Ses recherches actuelles portent sur le rôle du droit dans les activités économiques, les dynamiques d’innovation et les théories de la valeur. Il est enseignant-chercheur et directeur du site de l’IDHES à l’ENS Paris-Saclay.

Michel Margairaz est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et ancien directeur de l’IDHE.S.