Contact
clemence.iacconi [at] ens-paris-saclay.fr (Clémence Iacconi)
loic.bertrand [at] ens-paris-saclay.fr (Loïc Bertrand)
Une approche pluridisciplinaire

" Les questions contemporaines que ces travaux de recherche soulèvent sont doubles : comment  représenter ces objets organiques très anciens et les présenter dans l’enceinte d'un musée en rendant plus intelligible leur lecture historique (en termes de connaissances mobilisées pour les produire ou de processus de conservation) ?

L'étude de ces textiles pousse à leurs limites les méthodes employées pour étudier les textiles modernes, du fait notamment que leur altération physico-chimique ou la perte d’information au cours du temps ne peuvent pas être négligées".

Loïc Bertrand, chercheur au PPSM (Université Paris-Saclay, ENS Paris-Saclay, CNRS) et coordinateur DIM Matériaux anciens et patrimoniaux

Représenter les textiles minéralisés du passé

Doctorante en chimie, Clémence Iacconi étudie et caractérise des textiles minéralisés datant de plus de 2500 ans. Ses recherches visent à acquérir des informations nouvelles sur ces objets organiques des sociétés du passé pour établir de nouvelles approches muséographiques.

Elles s’appuient sur des techniques classiques et analytiques 2D/3D et sur l’expertise de plusieurs laboratoires de l’ENS Paris-Saclay, du laboratoire Ipanema, en partenariat avec le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, l’entreprise Novitom, et la Région Ile-de-France.

Les travaux de Clémence Iacconi sont menés sous la direction de Loïc Bertrand, chercheur au PPSM (Université Paris-Saclay, ENS Paris-Saclay, CNRS) et responsable de la nouvelle thématique de recherche à l'ENS "Matériaux anciens et paléo-inspirés".

Interview

Clémence Iacconi, pouvez-vous nous présenter vos travaux de thèse en chimie intitulés "Développer la représentation numérique 3D de collections textiles patrimoniales" ?

Ma thèse porte sur l’étude de textiles archéologiques minéralisés provenant de sites archéologiques français et néerlandais datant du VIIIe-Ve siècle av. J.-C. Mes échantillons sont exceptionnels car il est extrêmement rare que des textiles subsistent jusqu’à nos jours. Ils ont été minéralisés au contact d’artefacts archéologiques à base de cuivre. La principale technique analytique que j’utilise pour ma thèse est la tomographie par rayons X. Elle permet d’obtenir à partir d’une série de radiographies 2D, l’image de l’échantillon en 3D, à la manière des scanners médicaux. Un volet important de ma thèse est consacré au traitement des données tomographiques en travaillant de manière complémentaire sur des aspects de morphologie et d’altération.

À quoi va servir cette recherche dans le domaine des matériaux anciens ?

L’étude de textiles archéologiques permettra d’acquérir des informations précieuses sur les sociétés passées telles que leurs pratiques funéraires et leurs technicités dans l’art textile. Les textiles ont souvent été négligés en archéologie car considérés comme moins importants que les objets (épée, bijoux), généralement en métaux nobles, sur lesquels ils étaient présents. L’idéal serait de trouver de nouveaux modes de descriptions pour ces textiles, d’en acquérir une connaissance accrue qui seront partagés en milieu muséal de manière plus attractive.


Textiles minéralisés au contact d’artefacts cuivreux provenant du site archéologique de Creney-le-paradis (Aube, France) et datant du VIe-Ve av. J-C


En quoi est-ce si important de représenter ces objets textiles de manière virtuelle ?

D'abord, le fait d'avoir des volumes 3D nous permet d’aller faire une fouille virtuelle et intensive de ces textiles de manière non-invasive. Ainsi, nous pouvons les caractériser plus précisément tant sur le plan morphologique (étude technique) que sur le plan chimique (compositions grâce aux contrastes de densités.) Ensuite, les textiles sont souvent dans un état trop endommagé ou parcellaire et leur fragilité les rendent incompatible avec leurs expositions au sein des musées. La représentation 3D pourra contribuer à établir de nouvelles approches muséographiques et serait une manière de présenter ces textiles et les informations historiques recueillies à leur sujet au grand public de manière plus interactive et ludique.

Avec quels partenaires travaillez-vous sur ces recherches ?

Je travaille avec l’entreprise Novitom (les Ulis, Île-de-France) sur les questions techniques relatives à la tomographie. Le musée du Quai Branly-Jacques Chirac et l’agence nationale du patrimoine culturel des Pays-Bas qui me fournissent les échantillons et partagent leur expertise archéologique.

Quels équipements utilisez-vous ?

La principale technique analytique utilisée est la micro-tomographie par rayons X (source synchrotron) qui est complétée par des techniques classiques telles que la microscopie optique ou la microscopie électronique à balayage.

Quels laboratoires sont impliqués ?

Je travaille d’autres laboratoires notamment deux à l’ENS : le LMT avec Stéphane Roux et le Centre Borelli avec Agnès Desolneux, ainsi que le laboratoire IPANEMA (CNRS) et des équipes de CentraleSupélec.

Quel est votre rôle dans le projet MUSETEX3D ?

Je suis en charge de l’acquisition de la majeure partie des données, leurs traitements et la coordination entre les différentes collaborations présentes dans cette thèse.

Pourriez-vous nous préciser votre parcours ?

J’ai fait des études de chimie et ingénierie chimique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse. Lors de mon projet de master, je me suis intéressée à la chimie appliquée à l’étude des objets patrimoniaux en étudiant la dégradation d’un pigment dans les peintures à l’huile.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Je souhaite poursuivre mes recherches dans les sciences du patrimoine en tant que chimiste car je trouve ce domaine d’étude particulièrement passionnant et enrichissant.