Anatole Guérin (maths)
Anatole Guérin est un ancien élève de l’ENS Paris-Saclay (promotion 2016), parcours recherche et enseignement supérieur en Mathématique.
Portrait
Pourriez-vous nous présenter votre parcours en quelques mots ?
Après une classe prépa, je suis entré à l’ENS Paris-Saclay en mathématique dans le but de m’orienter vers l’enseignement supérieur. Je suis aujourd’hui en deuxième année de thèse en cotutelle entre le Laboratoire de Mathématiques d’Orsay et le Laboratoire Jacques-Louis Lions à Jussieu.
Côté magie, je me suis formé un peu tout seul et cela fait plus de sept ans que j’ai l’opportunité de faire des représentations, d’abord dans l’événementiel et aujourd’hui également sur les planches.
À quand remonte votre envie de faire de la magie ?
La magie m’a toujours intéressé, mais l’envie d’en faire vraiment est venue à 13 ans lorsque j’ai assisté pour la première fois à un spectacle dans lequel j’ai pu m'identifier au magicien : pas de foulards ou de costumes à paillettes, seulement des cartes, quelques accessoires et beaucoup d’humour.
Pourquoi un spectacle sur la magie ?
L’écriture d’un spectacle de magie est un exercice particulier. Comment justifier l’utilisation de certains accessoires ? A quels moments ajouter des effets magiques ? Le concept d’« exposé » sur la magie répond à ces deux questions : puisque c’est le thème, je peux faire tous les tours que je veux et je m’approprie également une forme avec laquelle je peux jouer et guider les spectateurs.
C’est aussi le moyen de partager ma passion et de prendre le temps de répondre aux questions que les gens me posent tout le temps .
Magie, pédagogie et recherche : quelles intrications ?
Tout comme l’enseignement, la prestidigitation est une discipline dans laquelle l’interaction avec son auditoire joue un rôle décisif au cœur d’un acte de partage de connaissances ou bien d’expérience. Ces deux postures sont donc très similaires sous de nombreux aspects.
Côté recherche, la magie est un véritable foyer d’innovation, à l’interface avec des domaines technologiques, artistiques ou sous toute autre forme de principe. Tous les moyens sont permis pour arriver à susciter une émotion magique, il faut donc les identifier et se les approprier.
On attribue par exemple les premiers effets spéciaux au cinéma à Georges Méliès, qui était aussi magicien. Il a su tirer profit de ce nouvel outil pour créer de l’inattendu, de l’inexplicable !
Que signifie pour vous la « Pédagogie par la Magie » ? Pouvez-vous nous résumer pourquoi et comment les théories développées en prestidigitation s’appliquent à l’enseignement : principes psychologiques, techniques pour impliquer son auditoire…
Tout part du parallèle entre magicien et enseignant que je viens de dresser. Quand je fais de la magie en restaurant, je ne peux passer que quelques minutes avec chaque groupe de gens, il est donc essentiel pour moi d’être le plus clair possible et de ne perdre personne car je n’ai qu’une seule chance. Dans une salle de classe je suis confronté aux mêmes enjeux, et même si j’ai plus de temps avec mes étudiants, c’est avec les outils que j’utilise en magie que je suis naturellement allé pour mes réflexions pédagogiques. J’ai d’ailleurs vite constaté que beaucoup de conseils ou concepts proposés par des magiciens s’appliquent tout à fait à un professeur.
Par ailleurs, nous utilisons en magie les failles de notre perception pour bluffer nos spectateurs. Il est donc essentiel de comprendre comment les gens pensent. Ainsi il devient possible d’anticiper certaines de leurs réactions et de diriger leur attention pour mettre en avant certains moments et en faire oublier d’autres. Un professeur ayant conscience de ces mécanismes psychologiques pourra ainsi s’assurer au mieux de la manière avec laquelle son contenu est perçu, et qui sait, éviter de faire oublier des éléments importants.
Ces réflexions font ainsi l’objet d’une formation que vais donner pour la première fois début décembre pour les enseignants de l’Université Paris-Saclay.
Que vous a apporté votre passage à l’ENS Paris-Saclay ?
L’ENS Paris-Saclay m’a ouvert une porte vers l’enseignement supérieur en arrivant en thèse avec l’agrégation en poche. J’ai également pris beaucoup de plaisir à m’impliquer dans la vie associative et notamment... dans le club magie !
Nous avons pu profiter des événements qui ponctuent l’année pour préparer des spectacles, ce qui m’a permis entre autres de développer mon sens de l’écriture et de la mise en scène.
Quels sont vos projets maintenant ?
J’aimerais continuer à jouer sur les deux tableaux en cherchant un poste d’enseignant d’ici quelques années tout en continuant à entretenir et développer mon activité de magicien. Je ne suis pas pressé, mais je suis content de voir les paliers se franchir un à un.