Conférence du diplôme avec Marie Alauzen

Informations pratiques

Résumé

"L’État plateforme : ethnographie d’un mot d’ordre réformateur"

État stratège, plateforme ou proactif : ces termes devenus courants dans l’espace public et dans la communication institutionnelle. Ils sont pourtant moins à prendre au mot, comme des descriptions de la réalité de l’État, en France ou ailleurs, qu'à examiner avec précaution. Ils désignent en effet le nom provisoire d’une ligne d’action que certains agents publics s’efforcent d’imprimer dans le paysage administratif, afin de façonner une réalité pour d’autres administrations et les usagers des services publics. Considérer ainsi un terme comme l’État plateforme comme un énoncé qui ne se restreint pas à ce qu’il énonce, mais qui vise à performer un certain ordre de réalité fournit des prises pour mener une enquête de sciences sociales sur les mots d’ordre étatiques.

Le propos de la conférence sera double.

Il s’agira dans un premier mouvement de revenir sur une ethnographie de trois ans menée au Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, un service du Premier ministre français responsable de la réforme de l’État, et de partager quelques ficelles pour travailler sur la capacité énonciatrice de l’État, sur les modalités de production de sens et sa manière de se référer à lui-même et à ce qui l’entoure, et ainsi contourner le piège, identifié par Bourdieu, supposant d' "appliquer à l’État une pensée d’État".

Le second mouvement mettra en lumière quelques traits caractéristiques de l’extension de ce mot d’ordre réformateur en insistant sur l’absence de point de vue synoptique sur l’état de l’État dans l’entreprise modernisatrice, le masquage des activités concrètes et des frictions organisationnelles, l’expérimentation continue et ses effets sur la qualité des services publics, l’ambiguïté de la participation des usagers et l’absence de délibération ou encore le double jeu de la souveraineté numérique.

Biographie

Marie Alauzen est sociologue, spécialiste de l’informatisation de l’État. Ses écrits se situent entre la sociologie des sciences et des techniques, la sociologie de l'État et du droit et l’anthropologie de l’écriture et de la lecture.

Elle a soutenu en 2019 une thèse au Centre de sociologie de l’innovation de l’École des mines de Paris consacrée à l’activité ordinaire de modernisation de l’État en France, puis elle a travaillé en postdoc, entre 2019 et 2023, à Télécom Paris, l’Université Gustave Eiffel et l’ENS PSL sur d’autres facettes des transformations administratives de l’État précipitées par l’introduction de technologies numériques : les effets des quantifications dans les services publics, l’identification des citoyen·ne·s par reconnaissance faciale et la réaction de l’État aux manipulations de l’information.

Elle est aujourd’hui chargée de recherche au CNRS affectée au Laboratoire d'Analyse et de Modélisation de Systèmes d'Aide à la Décision (LAMSADE), un laboratoire d’informatique de l’université Paris Dauphine PSL, où elle examine, avec des collègues juristes et informaticiens, les problèmes posés par la traduction des règles de droit dans les programmes informatiques utilisés par l’administration.