Christel Moog-Lutz - Crédits illustration : Jérôme Foubert

Christel Moog-Lutz

Professeure et Directrice de département de formations universitaires
Mes études réalisées dans un milieu mixte m’ont laissé penser que les femmes de ma génération accéderaient aux responsabilités de façon équilibrée. En devenant enseignante-chercheuse, j'ai constaté que la proportion de femmes dirigeantes augmentait peu et que les propos sexistes perduraient. Imposer la parité est éducatif mais faut-il accepter une mission pour cette seule raison ? J'ai décliné certaines propositions pour privilégier les projets alignés avec mes valeurs.

Mes études s’étant déroulées dans un environnement mixte, j’étais persuadée qu’il permettrait aux femmes d’accéder à des responsabilités. Je pouvais constater que les femmes dirigeantes en recherche étaient assez rares et faisaient souvent l’objet de propos dévalorisants. Il était notoire que certaines avaient accédé à ces fonctions en tant que « femme de .. », tandis que d’autres y consacraient leur vie exemptée de charges familiales.
Cependant, la parité n’était pas un sujet de discussion durant ma thèse, car nous pensions que les mobilisations historiques des femmes qui nous précédaient avaient tout réglé, et que chacune pourrait construire une carrière scientifique d’égal à égal avec les collègues masculins. J’ai réalisé la persistance du schéma patriarcal en devenant enseignante-chercheuse et pris la mesure des comportements sexistes au fur et à mesure de mes implications en responsabilités.
Imposer la parité est une action efficace pour éduquer et apporter des qualités « féminines » (persévérance, collégialité, importance du sens, ..) aux équipes ou instances. Mais faut-il accepter une mission sur ce seul critère de parité ? Si l’on est sollicitée « parce qu’il faut bien trouver des femmes …», faut-il accepter, quitte à s’exposer au syndrome de l’imposteur, ou décliner en cas d’inadéquation avec le profil ?
J’ai privilégié l’intérêt de la mission en acceptant les propositions compatibles avec mes valeurs et refusant celles qui correspondaient plus à besoin d’un affichage féminin qu’à un réel projet.

Activités

L'agrégation m'a apporté la rigueur.  La recherche sur le cancer, explorée lors de mon doctorat et post-doctorat, a renforcé ma détermination à comprendre les mécanismes qui contrôlent le fonctionnement des cellules. En tant qu’enseignante-chercheuse, j'ai aussi exercé des responsabilités collectives. Dirigeant un département de formations, je m'intéresse désormais aux ressources humaines pour l'avenir de l'université.

Chacune des étapes de ma formation a contribué à développer des compétences complémentaires. La préparation de l’agrégation, exigeante et très structurante, m’a apporté de nombreuses compétences utiles encore au-delà de l’enseignement. La découverte de la recherche et des fabuleuses avancées dans le domaine du cancer, m’ont incitée à poursuivre cette voie par un doctorat, suivi d’un stage post-doctoral. Pour allier le désir d’enseigner, de transmettre des connaissances à l’attrait pour la recherche, j’ai choisi le métier de Maîtresse de Conférences. J’ai alors découvert qu’il comporte 3 volets : non seulement l’enseignement et la recherche, mais également les responsabilités collectives. La recherche fut ma première priorité. Des choix de vie personnelle m’ont conduite à aborder des thématiques variées et ainsi m’ouvrir à différentes communautés scientifiques et m’enrichir pour l’enseignement, tout en ralentissant ma production scientifique qui reste un critère d’évaluation principal et encore trop quantitatif. Néanmoins, ce statut au sein de l’université offre une marge de liberté dont je me suis saisie pour faire évoluer certaines parties de formations, puis en créer de nouvelles.

Mon implication dans les fonctions et responsabilités collectives a été progressive et a abouti à la direction d’un département d’enseignement. J’ai choisi cette fonction car j’ai compris qu’au-delà de la gestion administrative, il y avait là aussi matière à améliorer, créer, donner du sens et transmettre. Mes conditions préalables ont été de réunir une équipe de direction mixte, travaillant dans l’écoute, le respect et la confiance. Nous assurons la mise en œuvre et le déroulement des formations de licence et master à l’aide des moyens financiers et humains alloués par la faculté. Mon intérêt évolue vers la question des ressources humaines, du recrutement à l’accompagnement et au suivi de carrière qui sont à développer pour construire l’université de demain.

Votre vécu en tant que femme

Un accompagnement essentiel pour lever les freins

Assumer les rôles d'enseignante-chercheuse tout en équilibrant vie professionnelle et familiale est un défi. Il est crucial de soutenir les femmes dans les différentes étapes de leur carrière, avec un accompagnement adapté, en favorisant le partage d'expériences et le mentorat. Ensemble, nous pouvons lever des freins pour participer aux responsabilités de façon équilibrée et apporter nos qualités "féminines" à des équipes mixtes.

Assurer l'ensemble des missions dévolues à l’enseignante-chercheuse, en y associant une forte implication collective, tout en ayant une vie familiale avec des responsabilités parentales reste un défi, qui comporte une très forte « charge mentale ». Il est donc nécessaire de mieux prendre en compte les différentes périodes de la carrière des femmes et de mieux les accompagner pour les aider à faire des choix qui soient personnels et maintiennent une vie équilibrée, en particulier aider des mobilités géographiques.
En résumé, partage d’expérience et sens du collectif permettent de "briser le plafond de verre".

C’est possible, cela s’apprend, par les échanges, le mentorat entre femmes …, autant de façons de partager dans lesquelles je me projette.

Parcours

  • 2016 - 2026 : Directrice du département Biologie & Géosciences de la Faculté Sciences & Ingénierie Université Toulouse III
  • 2012-2016 : Directrice-adjointe du département Biologie & Géosciences de la Faculté Sciences & Ingénierie Université Toulouse III
  • 2011-2016 : Co-directrice d’une équipe de recherche (IPBS, Toulouse)
  • 2007 : Professeure des Universités, Université Toulouse III (CNU65)
  • 2002 : deuxième enfant
  • 2001 : Maîtresse de Conférences, Université Paris VI (CNU65)
  • 1997 : premier enfant
  • 1996 : Doctorat de l’Université Louis Pasteur, Strasbourg
  • 1991:  Agrégation de Biochimie – Génie Biologique ENS Cachan
  • 1989-1990 : Licence - Maîtrise de Biochimie Université Paris VII
  • 1988 : admission ENS Cachan, département de Biologie

Faits et chiffres

  • 34 publications de niveau international
  • 2 parcours de formation créés (niveau licence)
  • 1 plateforme de travaux encadrés de recherches créée (niveau master)
  • Département Biologie & Géosciences :
    - 250 personnels permanents
    - 100 personnels non permanents
    - 3.000 étudiants de Licence (2 mentions)
    - 1.000 étudiants de Master (9 mentions)

Crédits illustration : Jérôme Foubert