Christine Maigne - Crédits illustration : Jérôme Foubert

Christine Maigne

Artiste plasticienne et professeur à l’Ensaama Olivier de Serres - Alumni au DER Design
Dans le milieu artistique, les discriminations persistent, à différents niveaux. Je participe à des discussions et échanges avec des artistes femmes sur ces questions complexes. Le féminisme qui s’affirme ces dernières années a permis à ces sujets d’émerger. La maternité est un défi, particulièrement dans ce domaine où certaines choisissent de ne pas en avoir. J’ai parfois dans le passé tu ma situation maternelle, sentant que cela aurait pu me désavantager...

Vos activités

Je suis artiste plasticienne et également enseignante à l’Ensaama Olivier de Serres qui est l’une des quatre grandes écoles parisiennes de design dépendant de l’Éducation Nationale.

Mon travail d’artiste est occupé par des moments de concentration solitaire à mon atelier bien sûr, mais tout autant par des collaborations et interactions avec d’autres professionnels, dans le cadre de mes projets. Il comporte également du travail de conception d’œuvres de commandes publiques, ainsi que des échanges avec d’autres artistes en France et à l’étranger, au travers d’expositions communes ou autres projets.

J’ai toujours enseigné en parallèle de ma carrière d’artiste, à l’exception de périodes de congés et séjours annuels au Canada puis aux États-Unis. Dans le cadre de mon travail d’enseignante, actuellement à temps partiel par choix, j’assure des cours de recherche plastique en 4eme et 5eme année (Diplôme supérieur des arts appliqués DSAA).

Votre vécu en tant que femme

Veiller à la représentativité des artistes femmes

On pourrait penser que, dans le milieu artistique, les discriminations sont moins présentes que dans des milieux professionnels plus formatés, mais elles existent pourtant de façon plus insidieuse. La plus lisible étant que lorsqu’on fait des études sur la présence d'œuvres d'artistes femmes dans les expositions importantes, musées ou collections, on constate une nette sous-représentation (voir statistiques exposées par les Guerrilla Girls dans les années 80). Je participe à un groupe de réflexion d’artistes femmes où nous abordons et analysons ces questions qui reviennent en force depuis quelques années.

Comme dans tous les domaines, la maternité marque un cap critique mais d’une façon plus singulière dans le milieu artistique car un nombre non négligeable de femmes choisissent de ne pas en avoir. L’artiste Marina Abramovic a soulevé un débat à ce sujet dans une interview de 2016 où elle revendique le fait de renoncer à la maternité en tant que femme artiste et l’énonce comme une nécessité au-delà de son cas personnel. Pour ma part, j’ai eu des enfants plus jeune que la majorité des femmes artistes, mais j’avoue que j’ai parfois choisi de le taire ou en tout cas de ne pas en faire état quand mes enfants étaient petits car je sentais que cela ne jouerait pas en ma faveur. Certaines personnes apprenant ma première grossesse y ont presque vu un renoncement. En avoir plus d’un (enfant) suscitait chez d’autres un tel étonnement qu’ils ne pouvaient imaginer que je pourrais tout mener de front. Toutefois, le féminisme qui s’affirme ces dernières années a permis à ces sujets d’être réellement investis par les artistes femmes. Par exemple en 2020 le centre d’art L’Aha (Paris) a présenté une exposition/colloque d’artistes femmes intitulée « [Re]production, penser la maternité dans l'art contemporain ». J’ai moi-même développé récemment un travail sur la maternité issu de prises de vues photographiques d’expériences pendant ma dernière grossesse qui datait de 20 ans. J’ai choisi de montrer ce travail dans une exposition où ne figuraient que des artistes femmes («La tangente» Villefranche de Rouegues, 2023). J’ai réalisé à ce moment que j’avais passé un cap en revendiquant cela, je ne saurais dire si c’est une question d’âge ou d’époque, en effet il est plus facile d’affirmer qu’on a des enfants quand ils ont un âge qui ne nécessite plus de s’en occuper...

Même si ce genre de démarche peut paraître artificielle et que fondamentalement c’est le travail lui même qui compte, je pense que le fait d’imposer une parité dans les grandes expositions ou au moins de veiller à une représentativité plus forte des femmes a fait sensiblement évoluer les choses ces dernieres années. Des initiatives comme le prix Aware, uniquement dédié aux femmes, pointent cette nécessité de rééquilibrer.

  • En 2018 l’exposition "Women House" à la Monnaie de Paris abordait une problématique féministe sous le commissariat de Camille Morineau.
  • Peut-être un peu conscientes de ce problème, les grandes institutions font parfois des actions ponctuelles : l’accrochage des collections permanentes au Centre Georges Pompidou, "elles", entièrement consacré à des artistes femmes, a fait date en 2009.
  • Le MOMA fera de même en 2010 avec "Modern Women : Women Artist at The MOMA".
  • Mais la Tate Modern de Londres a une démarche bien plus exemplaire à ce titre car là c’est une politique permanente qui s’est imposée grâce à la précédente directrice Frances Morris, qui a mené sur des années un travail important de valorisation des artistes femmes dans les collections.

Parcours

  • Aujourd'hui - Artiste plasticienne et professeur à l’Ensaama Olivier de Serres
  • 1989 - Agrégation d’Arts Plastiques
  • 1987-1990 - Licence et maîtrise d’arts Appliqués, DEA (Master 2) d’Arts Plastiques à Paris 1 Saint Charles
  • 1986 - Entrée à l’ENS Cachan - Section Art et création industrielle

Faits et chiffres

Artiste plasticienne

  • Plus de 50 expositions, installation, projets in situ, en Europe et au Canada
  • 5 réalisations pérennes dans le cadre de commandes publiques et privées.
  • Monographie Rhizome Cupules Eclosion (112 p.), texte de Paul Ardenne, bilingue, (Presses du Réel, 2022)

Crédits illustration : Jérôme Foubert